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RELIGION

Ses amis lui faisaient honte, d’Alembert entre autres et d’Argental. Il se défendit de son mieux.

Et certes il se défend mal en alléguant qu’on doit hurler avec les loups, que, s’il n’a aucune prétention, il ne saurait donc être taxé d’hypocrite[1], que la meilleure façon de marquer son mépris pour de telles facéties consiste à les jouer[2]. Citerons-nous l’exemple de Montesquieu et celui de Buffon ; qui se conformèrent eux aussi à la religion de leur pays et de leur roi ? Ni l’un ni l’autre, tout incroyants qu’ils fussent, n’avaient, comme Voltaire, déclaré la guerre au catholicisme.

Mais ses attaques mêmes contre le catholicisme l’obligeaient de prendre ses précautions. Il a comme excuse la crainte des périls qui le menaçaient.

Sur son lit de mort, il se confessa, en disant : « Je ne veux pas qu’on jette mon corps à la voirie. » Pendant ses démêlés avec l’évêque Biord : « Pour n’être point brûlé, je fais, écrivait-il à d’Alembert, provision d’eau bénite » (24 mai 1769). Brûlé ? non sans doute. Mais il aurait été réduit à quitter Ferney ; or, que pouvait-il, sauf le bûcher, craindre de pire[3] ?

  1. Lettre à d’Argental, 22 avr. 1768.
  2. Id., 8 mai 1769. — Dans une lettre à Saint-Lambert du 4 avril 1769, après avoir dit : « J’ai eu douze accès de fièvre ; j’ai reçu bravement le viatique en dépit de l’envie. J’ai déclaré expressément que je mourais dans la religion du roi très chrétien et de la France, ma patrie », il ajoute, comme pour se donner le change à lui-même : « Cela est fier et honnête. »
  3. « Vous ne savez pas avec quelle fureur la calomnie sacerdotale m’a attaqué. Il me fallait un bouclier pour repousser les traits mortels qu’on me lançait. Voulez-vous toujours oublier que je suis dans un diocèse italien et que j’ai dans mon portefeuille la copie d’un bref de Rezzonico contre moi ? Voulez-vous oublier que j’allais être excommunié comme le duc de Parme et vous ? Voulez-vous oublier enfin que, lorsqu’on mit un bâillon