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VOLTAIRE PHILOSOPHE

s’écrie Voltaire, et je suis écrasé sous les premières pierres que j’ai posées » (Lettre à d’Argenson, 8 janv. 1740). L’ouvrage ne put paraître qu’à Berlin, comme si, pour raconter l’histoire de France, il fallait être hors de France[1]. La Loi naturelle fut condamnée aux flammes par le Parlement[2]. Le Précis de l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques furent lacérés et brûlés. Un exemplaire du Dictionnaire philosophique fut jeté au feu avec le corps du chevalier de La Barre. En 1769, l’Histoire du Parlement, vendue sous le manteau par des colporteurs, coûtait jusqu’à trois louis.

On sait au surplus combien de fois Voltaire dut changer de résidence, se cacher, s’enfuir. Même à Ferney, sa sécurité est précaire. Ayant appris qu’on le soupçonnait d’être l’auteur de Saül, paru comme une traduction de l’anglais, il écrivait à Damilaville, le 21 juillet 1764 : « Je me trouve dans des circonstances épineuses où ces odieuses imputations peuvent me faire un tort irréparable et empoisonner le reste de ma vie. » Le 21 septembre de la même année, il écrit à Mme du Deffand : « Je serais homme à souhaiter de n’être pas né, si on m’accuse d’avoir fait le Dictionnaire philosophique, car… les hommes sont si sots, si méchants, les dévots sont si fanatiques, que je serais sûrement persécuté. » Deux ans après, l’affaire La Barre lui cause de vives inquiétudes : dans une séance du Parlement, le conseiller Pasquier a déclaré que les jeunes gens d’Abbeville se sont pervertis en

  1. Lettre à Mme Denis, 28 oct. 1750.
  2. En juillet 1757, la reine, qui allait faire ses dévotions, aperçut dans une librairie un exemplaire de ce poème ; en repassant, elle entra, déchira la brochure et menaça la marchande de faire fermer sa boutique.