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RELIGION

Dénonçant les contradictions et les extravagances dont abonde l’histoire du christianisme « depuis Luc et Mathieu, ou plutôt depuis Moïse » Voltaire écrit à Helvétius : « Ce serait, une chose bien curieuse que de mettre sous les yeux ce scandale de l’esprit humain. Il n’y a qu’à lire et transcrire, c’est un ouvrage très agréable à faire ; on doit rire à chaque ligne » (Lettre du 4 oct. 1763). L’ouvrage dont parle Voltaire, lui-même le fit en plusieurs volumes et sous des titres divers ; et, le faisant, il ne négligea point les occasions de rire.

Le rire, d’abord, est un « palliatif contre les misères, les sottises atroces dont on est quelquefois environné » (Lettre à M. Gaillard, 2 mars 1769). Ensuite et surtout aucune arme ne vaut celle-là dans un pays tel que la France. « On n’a cause gagnée avec notre nation qu’à l’aide du plaisant et du ridicule » (Lettre à Helvétius, 15 sept. 1763). « Nous autres Français, nous sommes gais, les Suisses sont plus graves. Comptez que rien n’est plus efficace pour écraser la superstition que le ridicule dont on la couvre » (Lettre à M. Bertrand, pasteur à Berne, 8 janv. 1764)[1]. Aussi bien, comment prendre au

    Bayle, Fréret et les philosophes anglais tels que Woolston, Collins, Toland, Bolingbroke, — non seulement ce fut un admirable vulgarisateur, mais surtout il répandit dans le grand public l’esprit de libre examen, opprimé jusqu’alors par une aveugle superstition des textes sacrés ; et, d’autre part, si sa polémique ne répond plus en bien des points aux idées de notre époque, si les progrès des sciences historiques, naturelles et morales ont renouvelé les études religieuses, nos exégètes modernes ne le dépassèrent qu’en le continuant.

  1. Cf. encore Lettre à d’Alembert, 26 juin 1766 : « Le ridicule vient à bout de tout ; c’est la plus forte des armes. » — Lettre à Mme du Deffand, 21 nov. 1766 : « Il faut avouer en général