scène réelle[1] », une scène vue. Là comme ailleurs, et qu’elle peigne soit la campagne elle-même, soit les figures rustiques, son idéalisme et son optimisme ne l’empêchent pas de les peindre fidèlement.
La nature décrite par George Sand est celle de nos régions. Berrichonne placide et candide, elle ne se sent aucun attrait pour l’exotisme, qui dénote, outre je ne sais quelle inquiétude, un goût blasé, dédaigneux des beautés simples. Elle ne sort guère de France, elle s’en tient le plus souvent aux paysages que chacun de nous a eus sous les yeux. C’est l’Auvergne escarpée et rude, la Provence aride et claire, la verte Normandie ; c’est surtout, dans ses romans champêtres, la contrée natale, qui n’a rien de grandiose, mais dont elle retrace les humbles sites avec une exactitude pieuse. Le village, la ferme, les semailles ou les moissons, les veillées autour de l’âtre, voilà son véritable domaine. La Mare au Diable, la Petite Fadette, François le Champi, les Maîtres sonneurs, sont comme imprégnés d’une rusticité fraîche et naïve. Nul autre écrivain ne connut mieux la campagne, n’en rendit de plus fidèles tableaux.
Quant à ses paysans, elle les a sans doute poétisés ; mais ce sont bien les premiers que notre littérature pastorale, jusqu’alors si factice, représente comme tels, sans raffiner leurs sentiments ou leur langage. Quelques-uns n’ont rien d’« idyllique ». Dans la Mare au Diable par exemple, voici Catherine Guérin, la « lionne de village », avec ses airs avantageux, ses propos hardis, ses complaisances équivoques pour les trois lourdauds qui la courtisent ; voici le
- ↑ Cf. la Notice en tête du roman.