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pénétrante, par ce quils ont de voilé, d’amorti, de « crépusculaire ». Dans Aréthuse se trouve l’Homme et la Sirène, où nous sentons le charme et la grâce propres d’une poésie vraiment nouvelle. Assez large pour ne pas répondre à chaque détail de la fable, le symbole n’y a pourtant rien d’obscur; et cette fable en elle-même est des plus poétiques. Quant à la versi- fication, elle s’accorde fort bien avec un tel genre. Ce sont tantôt des alexandrins réguliers, tantôt des vers libres. Mais M. Henri de Régnier assouplit l’alexandrin du Parnasse. Et, d’autre part, il porte dans les vers libres un sens du rythme et de la cadence qui sauve chez lui des hardiesses périlleuses à d’autres ; son goût foncièrement classique d’ordre et de clarté le préserve d’incohérences et de bizarreries où se fourvoie trop souvent la jeune école.

L’auteur d’Aréthuse demeura fidèle à ses premiers maîtres. S’il professe une admiration fervente pour Mallarmé, il n’en honore pas moins Leconte de Lisle et M. de Heredia ; il ne se crut jamais obligé, comme beaucoup des jeunes poètes, à traiter Victor Hugo de prodigieux rhéteur. Ses plus récents recueils indiquent, soit pour le fond, soit pour la forme, un retour vers le Parnasse. Il a mis le dernier, qui s’intitule Médailles d’argile, sous l’invocation d’André Chénier, et l’on pourrait en citer maintes pièces dans lesquelles l’auteur de la Jeune captive reconnaîtrait son art élégant et subtil. M. de Régnier s’est rapproché du Parnasse soit en empruntant des images et des tableaux à la vie antique, soit en reprenant le vers traditionnel, qui s’accorde mieux