divertissement, mais indigne d’un homme. Maints écrivains de cet âge avaient commencé par les vers, qui, la première jeunesse une fois passée, n’ont plus vu dans la poésie que des billevesées dont rougissait presque leur virilité. Un des maîtres de notre génération exprime brutalement le mépris des réalistes contemporains pour cette forme de l’art, qu’il traite de bourdonnement harmonieux. « Tu te contenteras de la prose, se dit, tout jeune encore, Alexandre Dumas : elle seule dit bien ce que tu as à dire. »
Si la poésie n’est pas complètement étouffée par le réalisme, elle change tout au moins de caractère. Ce ne sont plus les grands élans du cœur, les sublimes lieux communs de rhétorique sentimentale, la vague mélancolie du romantisme, sa métaphysique passionnée, ses dithyrambes ou ses blasphèmes, ses triomphants hymnes de foi, ses éclats d’un désespoir orageux et théâtral. Les poètes de notre âge ont eu pour idéal la perfection absolue de la forme poétique. Leurs scrupules d’artistes paraissent bien s’accorder avec ce désir d’exactitude qui est le caractère essentiel du temps. Les uns se sont consumés tout entiers dans leurs curiosités de langue et de rythme. D’autres, tout en poussant aussi loin le souci d’une forme irréprochable, ont appliqué leur instrument poétique à l’analyse délicate de la pensée et du sentiment. Romantiques, si l’on veut, mais d’un romantisme plus réfléchi, plus serré, plus attentif, et qui tiennent assurément de leur milieu le goût de psychologie exacte, le désir de savoir avec netteté, la sagacité pénétrante de leur critique, ou même ce qu’il y a de précis dans leur doute et de scientifique jusque dans leur pessimisme. D’autres enfin se rattachent au mouvement contemporain par l’art minutieux avec lequel ils décrivent les réalités familières, par leur penchant et leur aptitude à peindre les plus petits détails de la vie ambiante, par le ton même de leur poésie simple et pédestre qui applique à côtoyer la prose tous les secrets d’une savante versification.
L’école romantique portait le lyrisme jusque sur la scène. Ce qu’elle y avait fait paraître, c’était, non pas l’âme