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LA CRITIQUE.

il n’ose pas se prononcer, il cherche des biais pour esquiver une conclusion catégorique, il s’en tire par quelques paroles de pure convenance alors qu’on attend de lui un jugement décisif. Ajoutons qu’il ne serre d’assez près ni la biographie et l’étude psychologique des écrivains, ni l’analyse de leurs ouvrages. C’est un critique d’un goût exquis, mais le nom d’homme de goût, qu’il a supérieurement mérité, comporte encore chez lui, avec toutes les délicatesses dont il éveille l’idée, bien des langueurs et des négligences. Ce qui manque à Villemain, c’est une méthode exacte et pressante, au défaut de laquelle ne peut suppléer ce qu’il y a de plus brillant dans l’esprit et de plus fin dans le tact littéraire. D’autres viendront après lui, qui se circonscriront en des cadres plus étroits, cerneront leur sujet avec plus d’instance, appliqueront enfin à la « science des esprits » les rigoureux procédés des sciences naturelles. Il n’en reste pas moins que Villemain leur a frayé la voie en ouvrant de toute part la critique à l’histoire.

Nisard peut s’opposer à Villemain comme le représentant le plus qualifié de la méthode idéaliste et didactique.

L’histoire littéraire est pour Nisard une sorte d’architecture rationnelle. Il dogmatise. Sa critique ne s’attache qu’aux monuments consacrés par l’admiration, à ce qu’il y a de constant et d’immuable dans l’esprit français. Il laisse de côté tout ce qui tient au temps, tout ce qui relève de l’individu. Il ne veut connaître que les beautés éternelles. Une œuvre ne lui paraît belle que si elle expose dans une langue parfaite des vérités que ne borne aucune limite d’espace ni de durée, ces vérités qui sont comme la substance de la raison humaine. Dégager dans notre littérature ce qu’elle renferme d’essentiel, de vraiment typique, telle est sa prétention. Pour lui, la marque même d’un grand style, c’est d’être « général » comme la raison qu’il exprime, non seulement d’échapper aux modes et aux caprices du jour, mais encore de ne se faire le complice d’aucune passion et d’aucune fantaisie individuelle, d’écarter de lui tout ce qui peut