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RÉNOVATION DE LA LANGUE ET DE LA MÉTRIQUE.

tisme vivifia notre poésie aussi bien dans sa forme que dans sa matière. L’imagination française s’était retrempée ; d’abondantes sources de sentiment avaient jailli ; un généreux lyrisme faisait éclater les moules convenus. Notre versification s’enrichit alors des combinaisons rythmiques les plus savantes, les plus harmonieuses, les plus pittoresques. Ce n’est pas que les romantiques aient créé beaucoup de strophes nouvelles ; mais ils reprirent celles dont avaient fait usage ces poètes du xvie siècle qu’ils se plaisaient à reconnaître pour leurs devanciers. Dans ce domaine, comme dans celui de la syntaxe ou du vocabulaire, ils restaurent beaucoup plus qu’ils n’innovent. Sainte-Beuve appelle Victor Hugo, qui présida au renouvellement de notre versification aussi bien qu’à celui de notre langue, le plus grand inventeur de rythmes qu’ait eu la poésie française depuis Ronsard ; à vrai dire, Victor Hugo n’en a pas inventé d’autres que celui de douze vers, où les huit derniers forment deux groupes de trois rimes féminines suivis chacun d’une rime masculine : mais, si notre poésie était, antérieurement à Malherbe, assez riche en stances de tout genre pour suffire soit à l’expression des sentiments les plus divers, soit même à tous les caprices de l’imagination et à tous les jeux de la fantaisie, le romantisme porta dans les formes qu’il restaurait une science de facture qu’eussent enviée les plus délicats artistes de la Renaissance.

La rime, dont les différentes combinaisons fournissaient au lyrisme romantique une infinité de strophes, les unes nouvelles, la plupart renouvelées du xvie siècle, fut en elle-même régénérée par la jeune école, qui en enrichit la lettre et en vivifia l’esprit.

Les grands classiques la traitaient comme un élément secondaire de notre versification ; ils ne s’en servaient que pour faire discrètement sentir la fin de l’unité métrique. Au xviiie siècle, elle s’affaiblit encore : les poètes n’y voient qu’une obligation gênante dont ils s’acquittent au meilleur compte possible, et quand leurs rimes ne sont pas banales, c’est qu’elles sont inexactes.