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L’ÉDUCATION DU GOUT

dictions, que de tâtonnements ! c’est l’aurore, ce n’est pas le jour.

A l’homme seul, à l’homme qui réfléchit, Dieu accorde la notion distincte du beau, le discernement des relations entre la forme et l’idée ; Dieu lui inspire le désir de reproduire le beau qui a été reconnu par sa raison. Disons plus, il faut avouer que si la faculté de sentir le beau est inhérente à la nature humaine, le développement supérieur de cette faculté est le privilège de peu d’hommes, de peu de peuples, et, même chez les nations les plus privilégiées, c’est la gloire propre d’une époque favorisée entre toutes : le siècle de Périclès, le siècle de Léon X, le siècle de Louis XIV.

De ces observations historiques, Schiller conclut excellemment : « Dès l’enfance, entourez l’homme des plus belles formes intellectuelles, enfermez-le dans les images de la beauté parfaite. »

Il n’est jamais trop tôt pour commencer cette éducation du goût, qui est aussi l’éducation du cœur. Il faut de très bonne heure montrer aux enfants de belles choses, et rien que de belles choses ; tout le reste est plus ou moins corrupteur.

Cependant, prenons-y garde, la production des œuvres d’art et la jouissance des plaisirs du goût réclament des loisirs et une existence que les anciens caractérisaient par cette expression consacrée : les arts libéraux, c’est-à-dire occupation des hommes libres.

Par conséquent, le but et l’objet de la civilisation chrétienne doivent être de procurer le plus possible aux hommes une liberté qui permette ces loisirs qu’André Chénier a nommé des « loisirs studieux ». Et comme le travail du corps est forcément intermittent, consacrer les moments de