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INTRODUCTION — DU BEAU ET DE L’ART

les faiblesses sont solidaires ; un goût faux en littérature ne peut guère se concilier avec un goût moral élevé dans la conduite de la vie. Répétons avec un sage de l’antiquité : « Si l’âme ne se fait belle, elle ne verra point la beauté. » Aussi Winckelmann écrivait que la beauté suprême réside en Dieu, et l’un des plus ingénieux commentateurs de Winckelmann ajoute qu’on ne peut étudier le beau sans tourner à tout moment ses yeux et son cœur vers l’Éternel, foyer de toute perfection.

De même que Pindare répétait : « C’est d’une main discrète qu’il faut semer, et non pas à plein sac, » avec une grande justesse de critique, Shakspeare a dit : « Même dans la tempête et le tourbillon de la passion, vous devez conserver la mesure qui donne la grâce. » En effet, rien d’excessif ne peut satisfaire un goût délicat. À cet égard, l’influence du climat et de la race est très puissante ; c’est dans les climats tempérés et dans les races qui s’y trouvent établies que se rencontre cette mesure à laquelle ne peuvent atteindre les races vivant dans les climats extrêmes. Ces derniers peuples sont exposés à tous les excès de l’imagination ; les uns ont une préférence instinctive pour ce qui est colossal, les autres sont atteints d’une irritabilité maladive qui tombe dans la mélancolie.

L’action esthétique des croyances religieuses n’est pas moins remarquable ; le polythéisme gréco-romain développa l’amour de la beauté sensible et le culte de la forme, tandis que les aspirations idéalistes de la foi chrétienne ont souvent conduit les artistes à rechercher l’expression morale aux dépens de la beauté physique des contours et des couleurs ; si les aspirations mystiques peuvent porter jusqu’au sublime, elles exposent aussi à méconnaître la nature et la vérité. C’est la gloire des grands artistes du XVIe et du XVIIe siècle