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INTRODUCTION — DU BEAU ET DE L'ART

et très intelligentes, dont le goût a été développé par la culture d’une bonne éducation.

Heureux entre tous les quelques élus auxquels il est donné de « tirer et de produire au dehors la vie que tout homme porte enfermée et frémissante au dedans de soi » , suivant la belle expression de Tonnellé.

Oui, la véritable gloire de l’art c’est d’élever l'âme, de l’exalter, de satisfaire dans l’homme l’orgueil le plus légitime, celui de l’intelligence, qui se sent capable de comprendre et d’aimer le parfait. Voilà comment les arts méritent de servir d’auxiliaires à la religion.

C’est se faire une idée fausse de l’artiste que de le considérer comme une sorte de mime ou de comédien, dont l’imagination mobile et féconde sait revêtir la physionomie , l’attitude et le langage qui conviennent aux personnages qu’il est appelé à représenter. Sans doute, à l’appui de cette théorie fausse et vulgaire, on peut alléguer d’illustres exemples ; et, au premier rang, on peut citer Raphaël, peignant du même pinceau la Belle Jardinière et l'Histoire de Psyché. Mais, sans rien retrancher de l’admiration due à l’incomparable génie de Raphaël, il ne faut pas craindre de dire que, même dans ces limites et même à cette hauteur, une pareille souplesse de talent est une faiblesse ; cette supériorité pratique est une infériorité intellectuelle et morale. Le véritable artiste, c’est l’homme d’une seule inspiration et d’un seul culte : c’est Phidias, voué à la représentation de Minerve et rougissant de sculpter une Vénus ; c’est Fra Angelico, avec son culte exclusif des modèles et des sujets fournis par les saintes Écritures.

Puisque la perfection, conçue par la raison, est le but suprême de l’activité de l’homme, il faut mettre au premier rang les génies supérieurs qui ont fait concourir toutes les