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néral pour des fous ; ils peuvent le devenir, mais ils ne le sont pas nécessairement,

Louise Michel était un faux génie, ce qui n’a rien de péjoratif. L’idée la dominait tout entière et la vie matérielle n’était rien pour elle. Elle portait une robe sale et n’en avait pas d’autre, elle manquait de linge, oubliait de se laver, de se peigner. L’argent ne tenait pas dans ses mains, elle le donnait à tout le monde, quitte à emprunter ensuite pour ne pas rendre. Elle n’eut jamais d’idées vraiment originales; son domaine était le sentiment. Elle disait en termes émus la misère des pauvres, la nécessité d’une révo¬ lution pour établir la justice, Les romans qu’elle écrivit sont illisibles ou à peu près, ses œuvres so¬ ciales ne sortent pas de la banalité des milieux poli¬ tiques où elle vécut, Elle n’avait que les idées des autres, mais pour ces idées elle était capable d’aller en connaissance de cause à la mort ; c’est là où est sa grandeur.

Séverine qui vient environ une génération après elle n’a que du talent. Là où Louise Michel apportait sa conviction enflammée, sa pitié pour les faibles, sa colère contre les forts, Séverine met ses qualités de journaliste et d’orateur. Très supérieure dans la technique, elle lui est, comme personnalité, de très loin inférieure, parce que le génie, même faux, prime le talent.

Louise Michel fut traitée de folle par les rétro* grades et considérée comme telle par bien des gens. C’était l’effet du préjugé détestable qui veut qu’une femme ne puisse être que folle lorsqu’elle ose avoir une personnalité et plus encore quand elle la veut affirmer dans la politique. Cependant la « Vierge Rouge » prêtait un peu à cette accusation. Les gens