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bons sont à droite et les mauvais à gauche, pour Lombroso et ses disciples, les bons sont au milieu. Le génie, en effet, ne serait pas un don heureux. L’histoire des hommes illustres nous les montre pleins de défauts ; tel était libidineux, tel autre chaste. En général ils n’ont pas de cœur ; ils ont, en outre, un orgueil immense et ils font fi de la morale ainsi que des conventions sociales. Leur « inspiration » dont ils sont si fiers pourrait bien n’être qu’un état pathologique analogue à l’épilepsie.

Ce système flatte notre amour de la symétrie, mais il est faux comme du reste tous les systèmes ; la nature est plus complexe que la théorie. Bien des auteurs depuis Lombroso ont montré toute la légèreté de son œuvre. Sa principale erreur a été de prendre pour évaluer l’homme de génie les instruments qui servent à mesurer l’homme ordinaire. On doit s’attendre à ce qu’un homme hautement supérieur qui connaît sa supériorité n’accepte pas une société qui est l’œuvre des médiocres. Comme il ne dispose pas du pouvoir de la changer il l'accommode comme il lui plaît à son usage personnel. Que les singularités des hommes de génie n’aient pas été toujours heureuses, c’est possible ; l’homme supérieur ne donne pas son « best », comme disent les Allemands, dans tout ce qu’il fait. Souvent telle incartade qu’on lui reproche n’est que le fait de sa colère contre un monde médiocre. Le roi n’a pas à être vertueux, disait un courtisan de Louis XV, il est comme il le veut. L’homme de génie, de même, n’a pas à être, comme le désire la masse ; il fait sa loi et n’obéit pas à la loi des autres.

Reprocher à des grands hommes de menues bizarreries telles que d’allumer des bougies pour dormir