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se dessinait aux tempes annonçant la fin de la jeunesse. Encore quelques années, et ce serait fini, irrémédiablement.

À la Côte d’Azur, la vie est plus libre. Elles fréquentaient les bals, se mêlaient, masquées, aux fêtes du Carnaval ; elles prirent, l’une et l’autre un amant.

L’aînée eut un petit bureaucrate sans conséquence ; la plus jeune prit un officier, fils de général. Dès les premiers mois elle devint enceinte.

Elle pensa naturellement à régulariser. Le jeune homme ne se dérobait pas, mais le père ne voulait rien savoir d’une union légitime avec un sac d’argent aussi mince. Et ce père, général avons-nous dit, était le chef de son fils ; on essaya de le fléchir, rien à faire.

Affolée, la jeune fille prit des adresses à la quatrième page des journaux et s’en fut chez des sages-femmes. On accepta bien de la débarrasser, mais les façons mystérieuses des personnes qui devaient se garantir, travaillant dans l’illégalité, lui causèrent de l’effroi. Elle venait de lire « Fécondité » de Zola, il y avait dans ce roman une histoire d’avortement avec hémorragie et mort qui la remplissait d’épouvante. Affolée, elle avoua tout à sa mère.


II

En rentrant un soir, vers minuit, dans ma chambre d’étudiante, je trouvais un billet sous ma porte. Elle était venue me demander l’hospitalité, car sa mère l’avait chassée sans un sou, ne lui permettant même pas de mettre un chapeau. Elle avait fait la route à pied jusqu’à mon sixième du Boulevard Port-Royal ; ne me trouvant pas, elle était allée, à pied toujours, à la Chapelle, chez une autre camarade.

Elle y resta quelques jours et écrivit à sa mère pour lui demander de l’argent ; elle y avait droit car les trente mille francs de sa dot lui venaient de