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II.

Pour Malthus la restriction volontaire des naissances ne faisait pas partie d’un système de transformation sociale. Le malthusianisme se suffit à lui-même, c’est un remède contre la pauvreté. Au temps de Malthus le machinisme et l’industrie commençaient à prendre un développement inconnu jusqu’alors, la situation de l’ouvrier devenait un problème de nature à intéresser les économistes.

Parmi la classe ouvrière le déchet humain était important ; enfants plus ou moins abandonnés par leurs parents, malades, inaptes au travail, vieillards. Tout ce monde était hospitalisé dans les Work-houses que nous décrit Dickens dans ses romans. On lui donnait avec beaucoup de mépris et de mauvais traitements une nourriture à peine suffisante pour ne pas mourir.

Ces soins, tout rudimentaires qu’ils étaient coûtaient très cher à l’État. Malthus pensa donc à un moyen de tarir la misère dans sa source pour n’avoir pas à la guérir et il trouva que le seul système était d’empêcher les pauvres de procréer. Avant de fonder une famille, il faut être sûr de pouvoir l’entretenir ; si on ne le peut pas, a fortiori si on ne peut pas s’entretenir soi-même, il faut rester célibataire et chaste.

Cette théorie est pleine de raison, mais la raison n’est pas ce qui gouverne le monde ; on fit à Malthus le reproche de vouloir priver les pauvres des joies de la famille ; les joies d’un logis sans pain. La sentimentalité simpliste triompha de la logique ; Malthus et ses disciples passèrent pour des ennemis du peuple alors qu’ils étaient ses meilleurs amis.