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un appartement modeste. Pour six heures par jour d’un travail peu fatiguant de direction, il recevait un traitement raisonnable. Il résolut de consacrer à la politique socialiste les loisirs qu’il avait.

Les intellectuels étaient nombreux dans le parti, mais la plupart ne venant là que pour faire une carrière, avaient fort peu de sincérité.

La presse réactionnaire les calomniait lorsqu’elle les appelait meneurs de grève, incendiaires, buveurs de sang, etc. Loin de pousser les ouvriers à la révolte, ils les retenaient au contraire. Quand, par hasard, des violences avaient lieu, les intellectuels ne les approuvaient jamais ; ils se bornaient à excuser les révoltés qui les avaient commises. Certes, ils parlaient de la révolution, mais sans y croire et sans vouloir rien faire de sérieux pour la préparer.

De la révolution, on en détournait même insidieusement les masses en la présentant comme quelque chose de fatal qui ne pouvait avoir lieu avant l’échéance des processus économiques. On invoquait la nécessité pour briser l’ordre bourgeois d’une majorité prolétarienne évidemment impossible à obtenir.

Toutes ces hypocrisies écœuraient Jacques qui était idéaliste et sincère. Éloquent, il stigmatisait dans les réunions l’arrivisme des chefs ; il voulait que son parti fasse à l’ordre établi une opposition de réalité et non de mots ; on le mit en quarantaine.

L’humanité est partout la même, et dans un parti révolutionnaire pas plus que dans la société officielle, la vertu n’est une condition de succès. La force était du côté des chefs arrivistes et c’était vers eux que les masses se tournaient comme elles se tournent vers la force gouvernementale dans la grande société.

Contre Jacques, le gêneur, on ne ménagea pas la calomnie ; on contesta son talent, on nia son intelligence, lui qui était la sincérité même, on