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mis de croire que les états de conscience sont objets d’un sujet difficilement connaissable. Le phénoménisme absolu, d’ailleurs, est la négation complète ; il aboutit au suicide de la raison, car après avoir nié le monde extérieur, il nie le monde psychique lui-même, car rien n’est certain que l’état de conscience présent, tout le reste est inférence.

Cela montre la difficulté de ces problèmes ou plutôt l’infirmité de notre esprit. Nous ne sommes que des animaux et il est déjà bien beau que nous soyons arrivés à connaître du monde ce que nous en savons ; de pouvoir tracer le parcours des astres, de savoir même, par l’analyse spectrale de quels corps est composé le soleil qui brûle à des millions de kilomètres de nous.

Notre personnalité se détache en quelque manière des états de conscience ; c’est pour cela que l’introspection est possible. Je dis ma mémoire comme je dis ma jambe ; postulant ainsi que l’une et l’autre sont objets par rapport à moi.

Il est à remarquer cependant que la mémoire est beaucoup plus près du sujet que la jambe. On peut perdre sa jambe sans que la personnalité soit profondément touchée, mais que resterait-il du fameux Je pense, de Descartes, si la mémoire venait à disparaître complètement, la perception elle-même serait troublée à tel point que le monde passerait devant nous comme les images d’un kaléidoscope.

Le moi n’est donc pas une entité, c’est un résultat. Nous le sentons d’instinct des états fugitifs de la conscience ; mais ce sont néanmoins ces états qui l’élaborent ; c’est pour cela que la personnalité se modifie avec le temps.

Lorsque nous repensons aux années écoulées notre moi s’efface à mesure du nombre de ces années c’est bien moi qui faisais hier telle ou telle chose ; ma personnalité est entière dans ce souvenir, mon moi se prolonge jusqu’à lui. Mais si je pense à mon enfance, le souvenir des faits qui m’en reste est presque objectif ; je revois bien mon corps tel qu’il était alors, les mou-