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mon voyage aventureux

déjà. J’ai l’idée d’aller chercher du bois mort dans la forêt voisine ; un camarade, avec un morceau de tôle et un vieux bout de tuyau confectionne un poêle. Dans le vent, ce poêle tire effroyablement, les flammes montent très haut, des étincelles sont projetées au loin. J’ai peur que le feu ne prenne à notre wagon : quelles seraient pour nous les conséquences ? Je n’ose pas y penser, dans ce pays où tout est militarisé.

Enfin, le matin du troisième jour, j’entends les enfants des familles émigrantes crier joyeusement : « paravoz, paravoz » (locomotive). Une locomotive arrive, en effet : on forme un train auquel on accroche notre maison roulante ; nous voilà partis.

Les villages défilent ; maisons de bois au nombreuses petites fenêtres ; quelques grandes gares, elles sont lamentables d’abandon, de désordre et de malpropreté. Sans doute, cela tient au pays plus qu’au régime : car j’ai déjà remarqué que la gare de Riga, capitale de la Lettonie, est très sommairement aménagée.

Toute une population en haillons s’agite dans les gares ; les spéculants, surtout des enfants, crient les cigarettes, les pommes. Pas de boissons. Toute gare a sa tchaïnaia, désignée au voyageur par une théière peinte sur la porte. On donne là de l’eau bouillante dans laquelle on n’a qu’à jeter le thé dont le voyageur précautionneux porte toujours un paquet dans sa poche.