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mon voyage aventureux

Je raconte l’incident à un soldat allemand qui est dans l’armée rouge ; il frémit de colère ; il voudrait avaler tous les États tampons.

Enfin, on nous raccroche à un train et nous repartons, du moins, je le crois. C’était une illusion, car au matin on est de nouveau dans la ville que nous avions quittée la veille au soir.

Encore une halte qui dure toute la journée ; je suis brisée des nuits sans sommeil et je pense encore une fois que je finirai par laisser ma vie dans ce voyage.

Au soir nous repartons et, après avoir roulé toute la nuit et toute la matinée, les locomotives, chauffées au bois ne font guère plus de trente kilomètres à l’heure, nous nous trouvons à la frontière russe.

Je comptais entonner l’Internationale en pénétrant enfin sur le territoire béni du communisme, mais tout mon enthousiasme est parti, je suis trop malheureuse. Si encore je n’avais à endurer que des souffrances matérielles, ce ne serait rien. Je souffre d’être séparée de mon milieu, d’être avec des gens d’une culture inférieure qui ne voient guère en moi autre chose qu’une vieille femme et qui me traitent comme telle avec, en moins, les égards que la civilisation donne à ceux qui ont le malheur d’avoir l’expérience qui ne s’acquiert qu’avec les années.

D’ailleurs l’enthousiasme n’anime personne.