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mon voyage aventureux

clairsemés avec petites maisons de bois à nombreuses fenêtres. Au soir, les émigrantes entonnent un chant plaintif qui est vraiment plein de charme dans le jour finissant. Il dit la douleur des pauvres vies d’esclaves foulées par les forts depuis l’origine du monde.

Le wagon — je l’ai dit — manque des commodités les plus indispensables ; aux stations, il faut descendre et le plancher de la voiture est à un mètre du sol. Les soldats et les jeunes hommes sautent prestement. Ma maladresse m’attire des moqueries que je trouve méchantes, on m’appelle l’« acrobatic ». L’envie m’étouffe de dire à ces gens que si je n’ai pas leur souplesse, j’ai ce qu’ils n’ont jamais eu et n’auront jamais.

Un jeune homme, sanglé dans un impeccable uniforme kaki, fait les fonctions de conducteur : il s’occupe surtout des soldats auxquels il distribue du pain et des boîtes de conserve.

Voilà la nuit. Ceux qui, venus légalement ont des bagages, tirent des couvertures. Je n’ai rien et je dois m’étendre sur les paniers d’osier. On ne m’offre rien ; il faut même que je demande une tasse de thé lorsque j’ai soif ; on n’a pas l’idée de me la proposer. J’ai abdiqué mon amour propre parce que je veux vivre mais, comme j’enrage d’être faible, d’être obligée de m’abaisser devant ces gens. Ô Paris, mon Paris ! où du moins je ne demande rien à personne. Le « commandant »