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mon voyage aventureux

basé uniquement sur le tissus adipeux dont la nature m’a gratifiée. Tout le monde est maigre, ici excepté vous, donc vous n’avez jamais manqué de rien, donc vous êtes une bourgeoise ! Naturellement je suis condamnée à mort.

On me dit de me mettre au mur, le commandant m’administre trois coups de son revolver, qui n’est pas chargé, je tombe foudroyée, nous éclatons de rire.

Cela ne m’empêche pas de sentir vivement l’ennui, la bonne impression de sécurité du début, une fois effacée par l’accoutumance. Pas un journal français, pas un livre. Après des recherches minutieuses on a fini par trouver dans un coin « Le livre rouge de la guerre russo-polonaise » en français. Ce n’est guère attachant, et puis je l’ai bientôt lu.

Impossible d’avoir une conversation intéressante, personne ne parle français et les pensionnaires de la mission sont des hommes d’action et non des intellectuels. Conspirateurs de toutes les nations de l’Europe, ils vont en Russie chercher un refuge contre la prison, quelques-uns contre la mort.

Le commissaire m’a gratifiée d’un faux nom, il m’a baptisée Capoutchévitch, quel nom baroque ; les pensionnaires en font un calembour macabre : capout Capoutchévitch (on tuera Capoutchévitch). Un jour il m’a fait appeler dans son cabinet et m’a dit