compagnon descend, l’air agité. Qu’a-t-il donc ?
Comme nous approchons de L…, il me dit d’un ton tragique :
— Êtes-vous ferme, énergique ?
— Ferme ? pourquoi ?
Parce que nous allons être arrêtés : j’ai vu les fileurs du train ; ils nous suivent depuis la frontière.
Je rassemble tout ce que j’ai de fermeté. Arrêtée, en Allemagne, ce n’est pas très dangereux : j’en serai quitte pour quelques jours de prison, mais enfin j’aurais préféré voyager tranquillement.
Mon camarade reprend :
« Il est possible que moi seul soit arrêté, si cela arrive, vous irez à Hambourg. »
— Oui.
— Vous vous rendrez chez le camarade X, telle rue, tel numéro et vous direz que je suis pris.
— Bien… »
Je veux écrire le nom et l’adresse ; il m’arrête du geste et dit : « On n’écrit jamais ; apprenez par cœur. »
C’est un nom allemand, une adresse assez longue ; je les répète un grand nombre de fois de suite comme font les enfants. Mais impossible de rien retenir ; le camarade se met en colère et dit : « Vous n’avez donc pas de cerveau ? »
— Si, j’ai un cerveau, mais je suis tellement émue par l’idée de cette arrestation imminente.