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mon voyage aventureux

je demandais une avance. Je prends d’abord conseil d’un camarade.

— Ne faites pas cela, dit-il, ce serait très mal apprécié. On vous entretient ; donc vous ne devez pas avoir besoin d’argent ; si vous ne pouvez pas vous en passer, c’est que vous n’êtes pas communiste.

— Que faire, alors ?

— Vous avez bien quelques babioles ; venez avec moi demain matin, j’ai un vieux pantalon de l’armée rouge ; nous irons vendre au marché.

C’est un marché en plein vent, tout au bout de la ville. Il y a là de tout : de la viande et des pendules, du beurre, des chaussures neuves et d’occasion, des vêtements, etc. D’anciens « bourgeois » viennent là vendre leurs bijoux, les bibelots qui ornaient leurs salons. Mais il y a peu de belles choses ; depuis quatre ans que la Révolution dure, ils ont eu le temps de tout vendre.

Comme chez nous, les pauvres « Crainquebille » sont persécutés par la tchéka en uniforme ; elle parcourt à cheval le marché et disperse les petits marchands ; je suis humiliée et attristée, mais je prends le parti de rire de mon malheur.

Sur les conseils du camarade qui m’accompagne, j’ai retiré l’étoile soviétique que je porte à ma casquette. C’est une honte d’aller spéculer ; on ne traîne pas au marché l’insigne du communisme.