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mon voyage aventureux

pousse à la guerre. Ce pays qui est aujourd’hui le plus réactionnaire du monde, voudrait anéantir la Russie communiste ; mais l’armée rouge est là.

Il y a ce dimanche matin une revue sur la place Rouge. Je m’y rends, mais une barrage de soldats m’arrête, impossible de passer sans « propuska ». Il faut à Moscou des « propuska » pour la moindre réunion : précaution contre les attentats. Je retourne à l’hôtel, mais le « commandant » du bureau 34 qui m’est décidément hostile — pourquoi ? Dieu le sait — me refuse. À force d’insister, je finis par obtenir le papier et me voilà dévalant la tverskaia vers la place Rouge. Je montre mon « propuska » ; il paraît qu’il n’est pas bon. Pourquoi ? je finis par m’en rendre compte. Tout le monde a un « propuska » écrit à l’encre rouge ; le mien est écrit à l’encre noire ; donc le soldat ne sait pas lire ; seule la couleur de l’encre le guide, j’insiste : je prononce le sésame qui, en théorie, doit m’ouvrir toutes les portes : « Ia delégat » (je suis déléguée). On m’envoie à un officier qui par bonheur sait lire, il me laisse passer.

Il y a une élévation de terrain en bordure du Kremlin ; elle est remplie de tombes ; on a enterré là quelques étrangers morts dans les batailles révolutionnaires et aussi des délégués au dernier Congrès International qui ont péri récemment dans un accident de chemin de fer. Le public s’entasse sur ce terre-plein pour assister à la revue.