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mon voyage aventureux

sidère mes mains et mes vêtements boueux et me demande d’où je viens ; je le lui dis. Elle fait alors une moue de dédain ; évidemment, elle n’est pas communiste.

Le soir, au dîner, les camarades me disent que mon acte « d’indiscipline » a mis à l’envers toutes les cervelles féminines de l’hôtel. Les anarchistes, qui tiennent absolument à ce que je n’ignore rien des dessous du régime, me montrent la prostitution qui revient avec la nouvelle politique.

Elle n’avait pas disparu, ajoutent-ils ; si vous ne la voyez pas, c’est parce que vous êtes femme ; nous la voyons, nous autres hommes. On peut avoir facilement une femme pour cinquante mille roubles. Un exemple vient illustrer leurs dires ; un « délégat » au Congrès International s’est fait ces jours derniers enrôler à Moscou et c’était, horreur, l’argent que le Komintern lui avait donné pour son retour !

Les anarchistes, qui ignorent les questions féministes, ne voient dans la chose que l’immoralité traditionnelle : j’ai la peine d’y voir la persistance du vieil esclavage féminin. Si la prostitution existe, c’est que, ici comme ailleurs, les hommes sont seuls les maîtres de l’argent ou de ce qui en tient lieu. Pour être bien nourries et bien habillées, les jeunes femmes qui ont de la beauté se font entretenir par les puissants du jour ; les sodkom ou maîtresses de commissaires sont un objet de