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en russie communiste

rigeai ostensiblement vers la gare Saint-Lazare. Ce n’est qu’en route que, changeant de taxi, je me fis conduire à la gare de l’Est.

On ne saurait croire combien le fait de se savoir dans l’illégalité rend timide. Il me sembla qu’en demandant directement un billet pour Saint-Louis, ville frontière, je devais attirer l’attention ; je pris donc ma place pour Mulhouse ; de Mulhouse j’irai à Saint-Louis, ce serait plus long, mais plus sûr.

Ce n’est pas sans appréhension que je m’installai dans le wagon. Je quittais mon petit bien-être de demi-bourgeoise ; qu’allai-je trouver à la place. Même dans les formes légales, les voyages à l’étranger ménagent, depuis la guerre, plus d’ennuis que de plaisir ; qu’adviendrait-il de moi dans ce voyage de conspirateur ? Je calmai ma nervosité en me commandant à moi même de n’envisager que le présent, sans songer à l’avenir. Le présent, il était très acceptable ; wagon-restaurant, confort ; à travers la portière ouverte, le défilé des champs ensoleillés de juillet. Je ne pouvais que me réjouir.

À Mulhouse, quatre heures à attendre ; je quitte la gare pour une promenade en ville. À la sortie, un homme, le commissaire spécial, sans doute, dévisage tout le monde. Il ne me remarque pas ; j’ai changé ma coiffure ordinaire, sur mes cheveux courts, je porte une « transformation », je suis une femme comme les autres.