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en russie communiste

bientôt son passeport et retourne au pays d’Aristote, le vrai.

Mes seuls compagnons de tous les jours sont deux anarchistes retour de la région du Ladoga. Le Gouvernement leur avait donné une concession pour fonder une colonie libertaire, leur tentative n’a pas duré six mois.

Les conditions étaient mauvaises, paraît-il ; le terrain était marécageux et les paysans des environs faisaient montre d’hostilité. En outre, on avait fait un amalgame de communistes et d’anarchistes ; l’accord n’était pas possible.

Naturellement les deux camarades n’avouent pas leurs propres torts ; mais quelques phrases qui leur échappent suffisent à me fixer. C’était à qui ne voudrait pas travailler : ils se reprochaient mutuellement jusqu’à une assiette de soupe ; ils ont failli s’entre-tuer pour des œufs.

C’est toujours la même histoire qui recommence. Les colonies anarchistes finissent dans la haine et dans la violence : voir le cinquième acte de la « Clairière ».

Cela n’empêche pas la foi des deux camarades de rester entière en leur idéal anarchique. À les entendre, si le peuple russe est dans la misère, c’est par la faute de la dictature. Si au lieu du communisme d’État, on avait établi l’anarchie, tout irait au mieux.

J’en doute fortement. D’ailleurs leurs concep-