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mon voyage aventureux

fins. Tout le monde est payé en cigarettes qu’il faut vendre. À partir d’octobre 1921 on doit payer en argent, c’est un des effets de la nouvelle politique. Les salaires sont relativement élevés et le personnel ne paraît pas malheureux.

Il est onze heures et demie, l’heure du déjeuner, les bateliers se vident. Le flot des ouvrières dégringole les escalier avec des rires et va s’égailler dans la rue, jupes courtes à la façon parisienne. En passant devant nous elles rient à gorge déployée. Sans doute que tout, dans notre allure montre que nous ne sommes pas d’ici, ce qui veut dire que nous sommes bêtes. Je me crois un instant à Belleville.

Je me rends compte par expérience que le régime de la terreur, insécurité à part, est singulièrement gênant. On ne peut pas faire un pas sans être munis d’un « propuska ». laisser-passer. À la porte des édifices publics, à l’entrée de la moindre réunion, un soldat rouge avec son fusil, baïonnette au canon, défend, tel l’ange biblique, l’entrée du paradis terrestre. Impossible de pénétrer si vous n’avez pas le « propuska ». On va le chercher dans une boutique à côté ; il faut faire la queue, montrer ses papiers et il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Une fois, comme je voulais entrer au Kremlin, on ne s’est pas contenté de mes papiers ; on a téléphoné au « Komintern ». Ce luxe de précautions vise à prévenir les atten-