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mon voyage aventureux

Une dame me fait les honneurs. Elle est petite et toute menue. Ses fonctions dans l’Université sont multiples ; professeur de philosophie marxiste, économe de l’Université, explicatrice aux musées moscovites de culture prolétarienne, etc.

Elle est vêtue d’effets d’avant-guerre et mange très mal. Elle est aussi, me dit-elle, très mal logée n’ayant que trois pièces, pour elle, son mari, deux grands enfants et une vieille mère qui est malade. Bien que son mari occupe une situation élevée, la famille vit misérablement ; c’est un problème que d’acheter des chaussures. Mais on supporte tout ce mal être avec un stoïcisme qui a quelque chose de religieux. Cette femme est une héroïne obscure comme il y en a des milliers dans la Russie communiste.

Tout d’abord, me dit ma cicerone, les ouvriers ne faisaient ici qu’un stage de quinze jours. On voulait dans ce court laps de temps leur donner une vision de culture intellectuelle supérieure afin de leur inspirer le désir de l’acquérir. On a échoué les ouvriers et les paysans n’étaient qu’ahuris : rien ne leur restait. Je pense en moi-même que c’était bien à prévoir. Le travail intellectuel n’est pas un gâteau, pour l’aimer il faut y être dressé depuis longtemps. Nombre de paysans et d’ouvriers français qui ont été à l’école, sont incapables de s’intéresser même à la lecture d’un roman, ils ont mal à la tête au premières pages.