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mon voyage aventureux

Tout en faisant la part de l’état d’esprit dans lequel les met une situation anormale, je ne suis pas rassurée, car j’ai collaboré au Libertaire.

Le Parti m’avait mise à l’écart autrefois, parce que j’étais trop à gauche. Mon anti-parlementarisme m’avait aliéné les chefs, à peu près tous députés. Pour pouvoir défendre mes idées, j’avais accepté d’écrire au Libertaire, qui m’ouvrait ses colonnes. Le Libertaire appréciait mes articles sur l’antimilitarisme, le néo-malthusianisme, l’Éducation du Prolétariat, l’affranchissement de la Femme, etc. Mais, loin d’attaquer le bolchevisme, je le soutenais de tout mon pouvoir, autant qu’on voulait bien accepter ceux de mes articles qui traitaient de la question.

Prendra-t-on la peine d’examiner mon cas avec justice ? Qui sait si on ne me traitera pas en ennemie du seul fait de ma collaboration au journal qui publie la campagne anti-bolcheviste de Wilkens ?

L’histoire fourmille d’erreurs judiciaires de cette nature. Combien a-t-on guillotiné de gens pendant notre Grande Révolution qui n’étaient coupables qu’en apparence ?

Ce n’est pas sans appréhension que je remonte le soir à ma chambre. Les lampes électriques de faible puissance versent dans le long corridor une clarté lugubre ; je pense à quatre-vingt-treize. Cela serait bêle tout de même de venir mourir ici,