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de scies qui devaient faire dans le corps d’affreux délabrements, cadavres traités chimiquement pour en extraire la graisse, etc.

Tous ces mensonges ont pour but d’entretenir la haine qui, autrement, aurait, tendance à s’éteindre, envers un ennemi qu’on ne voit pas et qu’on ne connaît que par les journaux.

La guerre d’autrefois avec ses corps à corps entretenait la combativité. Celle d’aujourd’hui est une affaire de mécanismes et tient de l’usine plus que du combat.

Tapis en des tranchées, les soldats des deux camps tuent et meurent sans se voir. Le meurtre est impersonnel ; sa cause est un shrapnel, une balle dont l’auteur est un X qu’on ne connaîtra jamais et qui, de son côté, ne saura jamais qui a reçu le projectile qu’il a envoyé.

Aussi la haine entre armées belligérantes est-elle une chose relative. Le soldat comprend qu’il est là contre son gré et qu’il en est de même pour l’ennemi de la tranchée d’en face. Sans la contrainte, chacun n’aurait rien de plus pressé que de s’en retourner chez lui ; il n’aurait nullement l’idée de bondir sur des gens qui ne lui ont fait aucun mal.

Les cas de fraternisation de tranchée à tranchée n’ont pas été rares pendant la guerre, ils auraient été plus fréquents sans les officiers qui veillaient.

Dans les récits des combattants, on apprend que toute la phraséologie belliciste dont on était excédé ne sévissait qu’à l’arrière. Les gens du front ne sentaient nullement le besoin d’exciter avec des mots une ardeur combative qu’ils préféraient endormir.