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francs par jour valaient mieux que sept francs cinquante par semaine que le gouvernement leur octroyait à titre d’allocation.

La guerre terminée, les hommes sont rentrés ; finie la bonne vie. L’usine, les tramways, les bureaux licenciaient les femmes ; la vie traditionnelle allait reprendre.

Certes, les très mauvais ménages mis à part, les femmes étaient contentes de voir revenir leur mari. Mais tout de même elles avaient pris goût à l’indépendance relative que donne le travail. On entendait les receveuses se lamenter dans les tramways parce qu’on allait les renvoyer. Évidemment elles ne songeaient pas à se révolter, les temps n’étaient pas révolus ; ils ne le sont d’ailleurs pas devenus.

L’après-guerre cependant n’a pas rétabli le statu quo ante. On peut dire que la guerre a précipité l’émancipation économique de la femme. Les carrières administratives ont ouvert aux femmes une porte plus large, d’autant mieux que les hommes, loin de rechercher avidement comme autrefois la situation médiocre mais assurée du bureaucrate, la dédaignaient au contraire pour courir à l’industrie privée plus rémunératrice. Le baccalauréat que très peu de jeunes filles briguaient avant la guerre est devenu général dans la bourgeoisie, au point qu’il a fallu, au désespoir des esprits rétrogrades, unifier l’enseignement secondaire des deux sexes. Avec la licence en droit, en lettres, en sciences, nombre de jeunes filles trouvent place dans les ministères, dans les cabinets des avocats et des avoués, dans les usines de produits chimiques, etc.

Les situations ne sont pas brillantes, mais elles permettent de vivre modestement sans être à la charge de personne. Si le mari vient, on le prendra ; s’il ne vient pas, on s’en passera.

Le mariage d’ailleurs n’entraîne plus ipso facto la cessation du travail. Le gain de la femme est devenu nécessaire au ménage, même dans la petite bourgeoisie. La vie a sextuplé et les traitements sont loin de correspondre toujours.

La natalité souffre évidemment du nouveau genre de vie. L’enfant devient très gênant. Mais les idées ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois. Autrefois la femme subissait la maternité parce qu’elle ne voyait pas le moyen de s’y