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supporte tant bien que mal la chaîne. Quand il a de l’argent il se venge en entretenant une ou plusieurs autres femmes. Quand il n’en a pas, force lui est bien de se contenter de la légitime, insipide ragoût. La mauvaise humeur se répand en bouderies, en propos aigres-doux, en gros mots, en coups.

Décidément le mariage ne fait pas toujours le bonheur et la femme voudrait bien s’en affranchir. Mais que devenir ? Pas de métier défini. Elle est ménagère, c’est-à-dire qu’elle sait faire médiocrement un certain nombre de choses. Elle cuisine, mais pas assez bien pour être cuisinière ; elle lave mais une patronne blanchisseuse n’en voudrait pas comme ouvrière ; elle coud, mais elle ne sait pas faire une robe, elle ne peut travailler en atelier. En outre souvent il y a des enfants. Comment les fera-t-elle vivre, alors que sa vie à elle serait si difficile à assurer ?

Nana vit mieux en un certain sens. Elle a pour amants des bourgeois qui la comblent de luxe. Mais Nana ne sera pas toujours jeune. Si elle n’a pas fait d’économies, ce qui est le cas ordinaire, car de nombreux parasites la grugent de toutes manières, à quels bas-fonds ne tombera t-elle pas ? Marchande au panier, chiffonnière, mendiante, elle ira couverte de haillons et de vermine, avaler chez le bistro le petit verre qui donne un peu d’oubli. L’hôpital l’attend et à la fin, la table de dissection, sort terrible.

II

L’avénement du machinisme a inauguré l’essor de la travailleuse.

Le même travail exécuté à la main, exigerait des muscles de mâle, est devenu grâce à la machine, à la portée de la faiblesse. Aussi le capitalisme de s’écrier :

« Du travail de femme !

« Du travail d’enfant ! »

La femme court à l’usine et accepte de travailler à meilleur marché. Comment ne le ferait-elle pas ; ce travail, c’est une aubaine. Avant lui le ménage avait peine à joindre les deux bouts. Évidemment la femme ménagère cuisinait avec économie, elle lavait, raccommodait. Mais le mari buvait deux litres de vin par jour, il ne lui faut pas moins,