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V


Le propre de la civilisation est d’éteindre les instincts naturels qui ne répondent plus aux conditions de la vie qu’elle a faite. L’homme primitif doit conquérir tous les jours sa nourriture, il doit s’ingénier pour satisfaire son sexe. L’homme civilisé ne s’ingénie que pour gagner l’argent qui lui procure tout ce qui lui faut : nourriture, vêtement, maison et amour. L’argent s’approprie dans une certaine mesure par conquête, mais c’est une conquête dans laquelle la brutalité et le courage physique n’ont plus à intervenir.

La mystique combative demeure comme un organe vestigiaire. Les mâles se transmettent l’idée que l’homme doit avoir du courage, qu’il ne doit pas craindre la mort et que, pour être vraiment digne du sexe masculin, il faut même rechercher le danger.

C’est ainsi que des jeunes fous de vingt ans s’élancent en auto, à cent cinquante kilomètres à l’heure, contre un passage à niveau fermé. Ils sont écrabouillés par le chemin de fer, la voiture est en miettes, mais les camarades diront qu’ils avaient du cran.

Il faut déboulonner le courage !

Certes, dans ces folies, comment les appeler autrement… de jeunesse, il y a de la vigueur, des muscles, du sang, une énergie qui a besoin de se dépenser ; mais il y a surtout l’amour de la gloriole ; on risque parce qu’on espère échapper et pouvoir ensuite crâner devant la galerie.

Il faut supprimer la galerie, ou plutôt il la faut assagir, de telle sorte qu’elle appelle par leur nom, des fous, les gens qui franchissent les passages à niveaux fermés.