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la femme en lutte pour ses droits

chissement intellectuel et moral est loin d’être terminée. Le féminisme est en elles bien plus un sentiment obscur de mécontentement qu’un corps nettement établi de revendications précises. Ce n’est pas pour rien que depuis leur enfance une éducation déprimante a faussé leur esprit et étouffé leur volonté.

L’asservissement de la femme n’est pas d’ailleurs en tous points assimilable à l’assujettissement des esclaves et des classes infériorisées. Par l’union sexuelle, la femme procure à son maître des plaisirs que ne peuvent lui donner les serviteurs masculins. Tant que l’homme soit par le fait de sa race, soit par le fait de sa classe est resté grossier et inintelligent, le commerce sexuel n’a procuré à la femme que des compensations très restreintes à la dure condition qui lui était faite. Les plaisirs de l’amour n’empêchent pas l’homme sauvage et barbare d’exténuer sa femme de travail et de la tuer lorsqu’elle a cessé de lui plaire, ils n’empêchent pas non plus l’homme des classes incultes de la rudoyer et de la frapper. Mais avec l’évolution mentale, la sensation purement physique de l’amour se complique de passion : l’homme se sent de la reconnaissance pour la compagne qui lui procure du bonheur et il devient disposé à satisfaire ses