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la femme en lutte pour ses droits

de cotonnade bleue sali par la graisse des casseroles ; c’est le logement étroit plein de cris d’enfants ; c’est le mari qui rentre ivre, souille les meubles de son vomissement et assomme sa femme de coups au moindre reproche. Le vice, ce sont les agréables soirées passées au théâtre, les jupons de soie, les bijoux, les robes luxueuses ; toutes choses que le travail honnête d’une femme ne permet jamais. Les hommes sont partout les maîtres, il est vrai, mais entre eux il faut distinguer ; il y a les ouvriers qui, en échange du don de la personne, donnent peu de chose, lorsque encore ils ne donnent pas de mauvais traitements ; et les « Messieurs » qui peuvent donner beaucoup, si la femme sait être habile. Ces hommes-là, la jeune ouvrière le sent bien, sont les seuls dispensateurs du plaisir, du bonheur, de tout ce que peut donner la richesse. Saints Pierres terrestres, ils ont la clef du paradis et peuvent l’ouvrir. Alors que, malgré la criante injustice de la société bourgeoise, un homme peut parfois, s’il se montre intelligent et énergique, sortir du bas rang social où les hasards de la naissance l’ont placé, la femme, elle, n’a qu’une seule manière de s’élever dans la société, c’est de se faire la prostituée des hommes riches.