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la femme en lutte pour ses droits

toire d’une ouvrière cartonnière qui avait été suivie pendant six mois par un « Monsieur » : — « Jamais elle ne lui a répondu, eh bien, au bout de six mois, il est allé la demander en mariage à ses parents. Vois-tu, ma fille, quand une jeune fille se conduit bien, elle est toujours récompensée. »

Aussi, le soir, lorsqu’un homme s’approchera d’elle, elle devra répondre : « Passez votre chemin. » Toutes les femmes du peuple disent cela à leur fille ; l’expression « passez votre chemin » se transmet ainsi de génération en génération comme l’usage du corset et des bigoudis. Elle aurait pu varier, s’adapter aux circonstances, mais rien n’en a été ; sans doute que « passez votre chemin », dans l’esprit des grand’mères et des mères renferme quelque puissance magique ; ce doit être comme un talisman de vertu. Hélas ! sa forme stéréotypée le montre bien ; elle ne renferme que la misère des mentalités féminines.

Au bout d’un très court espace de temps, cependant, les rigides principes reçus dans la famille commencent à s’effacer de l’esprit de la jeune fille. En elle un parallèle s’établit entre ce qu’on lui a vanté comme vertu et ce qu’on lui a stigmatisé comme vice. La vertu, c’est sa mère à la camisole rapiécée, au tablier