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ceinte. Cybèle leva pour la première fois à l’air libre son front couronné de créneaux. La cité naquit ainsi et porta en grec le nom de Polis, autrement de colline. L’homme vécut porte à porte, et put échanger facilement sans frais de transport son produit contre le produit du voisin. Par conséquent, chacun fit le métier qu’il savait le mieux faire, et l’industrie jaillit comme par un coup de baguette de la division du travail. L’humanité passa ainsi par besoin de sécurité de la vie agricole proprement dite à la vie civile, et franchit le seuil de la cinquième civilisation.

La cité cependant cultivait, encore le sol en commun, et le cultivait avec mollesse, car l’homme aime naturellement à rejeter sur autrui sa part de fatigue. La famine visitait souvent la population derrière sa muraille. Pour l’empêcher de mourir de faim, la religion dut faire du jeûne une institution. Mais peu à peu un sage plus habitué à réfléchir que la multitude, ici Moïse, ailleurs Lycurgue, comprenant que l’homme travaille d’autant mieux qu’il a un intérêt plus direct à travailler, répartit le sol par égale portion, et mit une borne à la limite du champ partagé. Il substitua ainsi le régime agraire au régime communiste, et, en reconnaissant le tien et le mien, il reconnut du même coup le toi et le moi dans la société. Chacun pouvait prendre désormais conseil de lui-même et donner libre carrière à son intelligence. Née de la propriété, la pensée individuelle créa à son tour la propriété en inventant sans cesse un