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parfait crée un être imparfait. Nous partageons votre opinion. Dieu sans doute a versé à l’homme, en le créant, toute la somme de perfection relative afférente à l’humanité. Entendons-nous seulement sur le sens à donner à l’idée de perfection.

La perfection consiste-t-elle, comme vous semblez le croire, dans une plénitude de bonheur inconciliable avec l’ordre fini ? À Dieu ne plaise. Elle consiste uniquement, pour l’être borné, dans l’harmonie parfaite de la fin et du moyen. Avons-nous une fin à poursuivre et une organisation en équilibre avec cette fin ? alors Dieu a satisfait à la loi de sa bonté et marqué son œuvre de son cachet. À ce compte, il a créé l’homme parfait dès Adam, puisque Adam portait en germe toute l’humanité à l’état virtuel, comme le gland porte le chêne dessiné d’avance dans son écorce.

Pour trouver le mot suprême de l’humanité, il ne faut pas regarder au regard trouble de la légende une seule minute, la première minute de son existence, car un moment ne saurait donner la raison du temps ni une fraction de l’unité. Il faut prendre en quelque sorte le regard de Dieu, et embrasser comme lui l’humanité tout entière, depuis l’alpha jusqu’à l’oméga, dans la magnifique ampleur de son développement.

L’humanité a commencé, cela est vrai ; tout commencement est infime, cela est encore vrai ; autrement il ne serait pas un commencement. Cette infimité est-elle, comme vous l’affirmez, une indignité pour l’espèce ?