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métier de la pensée. Un écrivain publie un livre bon ou mauvais, peu importe, là n’est pas la question ; il publie un livre, voilà le fait, sur la destinée de l’humanité. Il y étale son âme tout entière avec l’intarissable candeur de la conviction, ce qu’il dit il le pense, ce qu’il pense il le dit, sans équivoque, sans réticence. À défaut d’autre mérite, il croit avoir assez le sens de la langue pour savoir que oui signifie autre chose que non, et matière autre chose qu’intelligence.

Vous croyez peut-être que la critique, même la critique indulgente, va juger l’auteur sur la doctrine de son livre et uniquement sur cette doctrine, telle qu’il l’a formulée, développée, démontrée, telle qu’il la développe encore, la démontre et la crie dans le vent, à chaque heure du jour, sur la pointe du minaret.

Comptez plutôt sur la fumée, sur la vague, sur la brume, sur la feuille d’automne. Chacun voit dans le livre l’idée qu’il veut y voir, y met l’idée qu’il veut y trouver, pour avoir le droit de la combattre et de la convaincre d’erreur. Le livre a disparu, mais on tient le simulacre et on l’exécute sans pitié par contumace.

Celui-ci, élevé à l’école de Bonald, lui dit au nom du catholicisme : Tu affirmes le progrès, donc tu nies le bien et le mal, ou pour mieux dire, tu mets le bien et le mal dans le même sac, comme Rome mettait autrefois le coq et la vipère ; tu relèves le dieu Pan sur son autel. La matière, voilà ta religion ; la jouissance, voilà ta sagesse. Tu prêches la théorie de la rose effeuillée, de la