Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa raison d’être et son application possible d’un moment ; mais quand l’humanité descend, et c’est la moitié du temps dans votre doctrine, qu’ai-je à faire, désormais, de l’instinct du progrès, de ce prophète du mieux, caché au fond de ma conscience, pour m’encourager à l’amélioration matérielle et morale de la société ? Eh quoi ! vous voudriez que l’homme, en pleine décadence, en pleine certitude de décadence partout visible, partout palpable, poussât l’intrépidité de la fiction jusqu’au point de tendre encore au progrès, et de tirer dans le sens du progrès, en arrière cette fois-ci, quand la société tout entière, précipitée du poids de sa masse, roulerait dans sa déchéance ? Mais aller en sens inverse de la chute, c’est aller en sens inverse de la loi, qui a voulu la chute comme elle avait voulu l’ascension. Rentrons plutôt dans la loi. Tombons, Dieu le veut, et tombons de bonne grâce, en souriant au sort, comme le gladiateur frappé à la poitrine.

Mais la décadence, dites-vous, n’est pas visible. Il le faut bien, cependant, puisque vous l’avez vue dans l’histoire ; et quand même elle resterait cachée à notre regard, du moment qu’elle est infaillible, je lui donne rendez-vous dès aujourd’hui, et je lui fais sa part dans ma vie et dans ma pensée. Si donc le progrès n’est pas la loi de l’humanité, permanente comme toute loi de la création ; si la société n’est pas une destinée écrite là-haut ; si elle n’est dans la main de la Providence qu’un écheveau mêlé par le hasard, ou bien encore au choix,