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ligence, poison ; sa volonté, poison ; le rayon du soleil, poison ; le souffle du printemps, poison ; la parole, poison et, pis encore, transmission du poison ; l’œil enfin, l’oreille, l’épiderme, la sensation, poison ou occasion de poison.

Or, du moment que l’homme est mauvais, le monde mauvais, et que ces deux quantités mauvaises ne peuvent agir et réagir l’une sur l’autre que pour aigrir réciproquement leur levain, la sagesse divine ordonne de couper, toute communication du monde à l’homme, de séquestrer l’homme du monde, d’enfermer l’homme dans la pierre, de resserrer la pierre sur son corps, et de le réduire, en quelque sorte, à l’état de bivalve sacré, clos sous la voûte de sa cellule, avec juste assez de place pour respirer et pour écouler au dehors le murmure de sa prière.

Si jamais il doit encore aller et venir par le méfait de son organisation, comme il ne peut traîner sa cellule avec lui, il mettra son corps dans un sac et il ramènera sur sa tête un masque de drap, un masque, un capuchon, un éteignoir, pour étouffer, pour effacer en lui, autour de lui, tout ce qui est beauté, poésie, sympathie, harmonie. Alors seulement, simulacre informe, dépouillé autant que possible du type humain, imperméable à la sensation sous son enveloppe de bure, il ose traverser l’air ambiant d’un pas prudent, lent, rhythmé et noté du doigt sur le grain du rosaire, faisant toujours le même tour sur lui-même, chevro-