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tion, elle devra de toute nécessité asseoir chaque cité sur un piédestal de granit. Voilà la consigne de la nature. Maintenant voici l’assistance. Cette vallée étroite, en forme de couloir, fuira indéfiniment, du midi au nord, entre deux chaînes de montagnes de marbre et de porphyre, de calcaire et de granit. Le jour où l’homme saura bâtir, il trouvera partout la pierre à fleur de terre, au lieu de la puiser dans des gouffres de catacombes. De plus, un fleuve navigable circulera sur toute la vallée, comme une sorte de roulier naturel, pour distribuer de droite et de gauche l’assise taillée dans la carrière.

Toutefois, le travail de construction, à cette époque d’enfance de l’art et d’ignorance, aurait prélevé encore une trop lourde somme de temps sur le temps disponible de la société, si, par un miracle encore inexpliqué, le même fleuve tout à l’heure roulier n’avait fait encore l’office de laboureur, n’avait répandu chaque année, à échéance fixe, son limon sur la vallée. L’habitant semait dans la vase, et le blé poussait sans autre préparation. Le régime de la caste faisait ensuite l’appoint du temps nécessaire à la pensée. Voilà l’œuvre de l’Égypte ; elle inventa l’architecture, et avec l’architecture la géométrie.

L’Égypte a donc donné à la civilisation tout ce qu’elle pouvait donner, et donner seule par la disposition particulière de son territoire. Mais si la constitution exceptionnelle de sa géographie l’avait servie à point nommé pour un progrès, la même originalité de sol la desservait