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de la scène, a emporté avec elle dans son tombeau toutes ses découvertes, comme ce roi d’Orient emporta un jour dans les flammes de son bûcher tous les trésors de son palais, vous avez raison, le progrès devant l’histoire a perdu son procès ; mais loin de là, chaque civilisation, au moment de son abdication, a reversé religieusement son contingent d’idées dans la civilisation suivante, qui a amplifié de son travail le patrimoine reçu, et l’a transmis à son tour, avec l’accroissement nouveau, à une nouvelle héritière, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’enfin, de soleil en soleil, et de l’est à l’ouest, le viatique sacré de l’humanité, toujours grossissant sur son chemin, ait afflué un jour tout entier de l’orient à l’occident de l’Europe, à tel point que la France, aujourd’hui, expression suprême pour sa part de la civilisation, n’a pas une industrie, une science, depuis la pioche jusqu’à l’alphabet, depuis le compas jusqu’au chiffre, qu’elle n’ait reçue en germe ou en totalité par une longue circonvolution, de l’Inde ou de l’Égypte, de la Grèce ou de l’Italie.

Ainsi donc, pour frapper d’anathème la doctrine du progrès, il ne suffit pas de montrer que le progrès a changé de place dans le monde, il faudrait encore montrer qu’il a perdu, à chaque mutation, l’intégrité ou une partie de ses conquêtes. Mais il a sans cesse reculé, au contraire, ses frontières de toute la largeur de ses victoires sur la nature. En voulez-vous la preuve ? Regardez l’état de la civilisation en Europe. Quel est le peu-