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il berce la vigne ; partout où le fleuve murmure, il emporte l’image d’une ville dans son courant ; partout où la mer roule, elle berce dans sa houle la caravane flottante d’un continent en marche vers un autre continent.

Et c’est à ce moment-là, et c’est au sortir de ce panthéon de verre, bâti à la gloire et à l’activité du génie humain, que vous allez, Virgile d’un autre enfer, respirer dans la nuit du moyen âge, le long du préau d’un cloître, je ne sais quelle odeur sépulcrale d’asphodèle et de fosse fraîchement remuée. Vous ramassez à terre un linceul oublié par la lugubre piété d’un moine, et vous le pressez entre vos mains pour en faire suer la mort sur notre siècle, et le convaincre de néant. Vous jetez l’excommunication au progrès, et vous mettez la vie en interdit au nom de je ne sais quelle doctrine, intitulée l’Imitation du Christ. Or, que dit cette doctrine, explicitement ou implicitement, sous forme d’éjaculation oratoire, ou de paraphrase, ou de dissertation, ou de méditation ?

Elle dit que l’homme, être corrompu, plongé dans un milieu corrupteur appelé Satan, respire et sue continuellement la corruption. Quoi qu’il fasse ou qu’il pense, il fait et il pense le mal ; il attire et il renvoie le mal, naïvement, spontanément, par conformation, par nécessité. Empestant d’un souffle le monde qui l’empeste à son tour fraternellement, il vit avec la nature entière en commerce assidu de poison. Son intelli-