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ment des connaissances et diffusion des connaissances accrues, voilà les deux conditions du progrès des idées. L’Europe les a-t-elle réalisées l’une et l’autre depuis la renaissance ? Faisons le bilan de la vérité.

Mais je vois déjà au reflet de la lampe allumée en ce moment sur ma table sortir de l’ombre le triste et austère spectre de Pascal qui réclame la priorité. Pauvre génie troublé, jeté brusquement à l’entrée de l’avenir, il en éprouva comme un sentiment de terreur. Il garda toute sa vie la majestueuse mélancolie de l’aurore de Michel-Ange. La nature l’avait fait prophète ; il plongea le premier son long regard dans le monde du progrès. Mais après avoir entrevu la lumière, il rentra dans la nuit du moyen âge avec un cri de désespoir. N’importe, il n’en a pas moins déchiré le premier le voile du sanctuaire. Je lui passe donc la parole. La vérité dans sa bouche aura plus d’autorité.

« Non-seulement chacun des hommes, dit-il, s’avance de jour en jour dans les sciences, mais tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l’univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d’un particulier. De sorte que toute la suite des hommes pendant le cours de tant de siècles doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement. D’où l’on voit avec combien d’injustice nous respectons l’antiquité dans les philosophes : car comme la