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ingéniée à mettre un chiffre devant un autre chiffre, à vendre à prime un coupon d’action, ou à gagner et à toucher un dividende.

Mais si l’industrie mal entendue surexcite dans un coin de la société un besoin de bien-être à tout prix, de repos quand même, faussement appelé l’ordre, comme si l’ordre pouvait exister en dehors de la vie pour un être vivant, elle rachète amplement, il faut l’avouer, cet inconvénient, par un concours qu’à son insu, et par une sorte de loi de nature, elle apporte incessamment à l’esprit de liberté.

Qu’elle en ait ou non la conscience, qu’elle en ait ou non la volonté, en multipliant de plus en plus le travail et un travail de plus en plus savant, elle amène chaque jour sur la scène, du fond du peuple, une masse de plus en plus nombreuse de travailleurs instruits, vivant à la fois de salaire et d’intelligence : géomètres, ingénieurs, mécaniciens, dessinateurs, décorateurs, opticiens, typographes, artistes du ciseau, du compas, de la lime et de l’équerre, contre-maîtres de la civilisation, moralisés par le labeur, le premier moraliste du monde, cœurs chauds, esprits neufs, ouverts à toutes les idées, éblouis parfois au sortir de l’ombre par la lumière, mais sincères avec eux-mêmes, mais prêts à revenir sur leurs pas et à reprendre les traces de la vérité.

C’est là l’infatigable recrue de la démocratie, le sel de la terre, la seconde couche de la bourgeoisie, la bourgeoisie elle-même ramenée à sa véritable expression. Pas un coup