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LE No 6 DE LA RUE DES ROSIERS

Les témoignages m’arrivent de toutes parts sur les exécutions de Montmartre : à quoi bon multiplier les détails ? On peut se faire une idée, maintenant, de ce que fut la prise du XVIIIe arrondissement : massacre au moment de la victoire, morts de hasards, exécutions éparses, passants soupçonnés, collés au mur, les maisons fouillées, les habitants arrêtés jusque dans leurs caves, les troupes succédant aux troupes, et les soupçons, les alertes, les menaces, les arrestations se renouvelant à chaque détachement nouveau, les convois de prisonniers laissant eux-mêmes des cadavres sur leur route… voilà le tableau dont j’ai indiqué quelques traits. Je ne puis pourtant terminer cette ébauche de la répression à Montmartre, sans y ajouter le plus tragique de tous ces épisodes.

Il y avait alors, 6, rue des Rosiers, une maison qui en a su long sur l’horreur des guerres civiles. Maison petite, basse, en recul sur la rue, reconnaissable à la marquise qui abritait la porte, avec un de ces pauvres jardins bourgeois, étriqués et malingres, qui verdissent tristement dans les quartiers excentriques. L’éternelle allée de tilleuls, sous laquelle l’ombre moisit, occupait un des côtés. Le reste était partagé en compartiments par des treillages dont les portes avaient des sonnettes. À chacun son jardinet, avec quelques pieds de fleurs et un massif de groseilliers. D’un côté, une grille ouvrait