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messieurs. » Et il lut la dernière proclamation du comité central, assurant que « les frères de l’armée » lèveraient la crosse en l’air à leur entrée dans Paris. Puis, regardant au bas : « Tu n’as pas signé ? »… Levêque répondit : « On ne signait pas toujours. » — Alors le colonel : « Eh bien ! tu vas être fusillé par tes frères de l’armée. »

Un détail poignant, c’est que dans ce troupeau frissonnant de prisonniers, dont chacun redoutait le sort de Levêque, quelques-uns tâchaient bassement de surmonter leur épouvante pour faire écho au colonel et poussaient avec effort un rire faux qui grelottait de peur.

Un peu après, des officiers du 88e de marche vinrent chercher, parmi les prisonniers, les soldats du régiment qui avaient passé à la Commune le 18 mars. Quelques uns furent reconnus, ont les fit sortir des rangs et coucher sur la pente du bastion. Puis un mouvement se fit dans les soldats : Levêque fut emmené ; on le conduisit dans le fossé des fortifications ; les soldats se pressèrent sur le parapet pour voir l’exécution : un feu de peloton éclata, puis le coup de grâce, le coup de revolver dans l’oreille pour achever le blessé.

Le corps fut enterré dans la fosse que le lecteur a déjà vu creuser : on en creusa d’autres pour d’autres victimes.

On amenait toujours des prisonniers, parmi eux, M. S… reconnut Louise Michel. On fit sortir des rangs les blessés : on les mit avec les déserteurs du 88e.

La situation était atroce : ils étaient cinq cents, entassés là où, la veille, ils étaient quatre-vingts, accroupis ou assis depuis de longues heures, dans une posture qui devenait intolérable, la tête nue sous un soleil ardent, nourris à peine (on leur avait distribué un mor-