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Il avait là des gendarmes, des sergents de ville mobilisés, un détachement du 45e de ligne. On fit donner d’abord les couteaux ou instruments de fer que les prisonniers pouvaient avoir : menace de fusiller quiconque, fouillé, serait trouvé avoir gardé un objet de ce genre. On fit coucher tout le monde à terre ; menace de fusiller celui qui se lèverait. On compta les prisonniers : ils étaient quatre-vingts hommes et une dizaine de femmes. On les déplaça pour les faire se coucher dans un amas de détritus et de fumier derrière la caserne des pompiers. De nouveaux prisonniers arrivaient. La place était insuffisante, on se couchait l’un sur l’autre.

La nuit était claire. Le jour parut de bonne heure. Le matin, arrivèrent plusieurs officiers de gendarmerie. Un brigadier demande s’il y avait là un nommé Levêque, maçon, membre du comité central. Levêque se leva : on l’apostropha brutalement, on lui désigna une butte de terre au bas du bastion, on lui dit que la veille un artilleur de la Commune avait été fusillé et enterré là, qu’il irait bientôt lui tenir compagnie. Les soldats, en effet, creusèrent une fosse à côté de l’artilleur.

Un colonel arriva, un homme gros et court, blanc de cheveux et de barbe : des officiers l’accompagnaient. Il tenait une badine à la main ; il se mit à passer les malheureux en revue, d’un air goguenard, en les désignant de sa badine. « Eh bien ! il en reste donc, de ces poussins que vous deviez détruire » : et il montrait les agents. Puis, apostrophant un des prisonniers : « Voilà une belle barbe, une barbe de la Commune ». Enfin passant à Levêque, et le frappant de sa baguette : « Ton âge ? — Trente-quatre ans. — Ton métier ? — Maçon. — C’est un maçon et il voulait gouverner la France ! »

Puis tirant un journal : « Écoutez, dit-il, le style de ces